Les sujets qui fâchent
Publié le 14 Novembre 2018
J’ai surpris le mari d’une amie avec une jeune femme, dans une situation accablante, le genre de situation qui ne laisse aucun doute sur la nature de leurs relations. Nous sommes tombés nez à nez. Le temps était suspendu, nous étions là, interdits, bouche bée, quelques secondes – ou une éternité ? – sont passées avant que j’aie eu une sorte de réflexe qui m’a fait sortir du tréfonds de moi-même un « bonjour » à peine audible. Il m’a dit bonjour aussi et a décampé sans demander son reste.
L’amie en question est une très grande amie. Parmi les meilleures. Mais comme nous n’avons jamais été confrontées à ce genre de problème, je n’avais aucune idée de comment elle allait réagir si je lui en parlais. Dans ces choses-là, je suis très gauche, je m’embrouille et ne sais jamais ce que je devrais faire. Faire comme si de rien n’était et devenir une complice passive, ou prendre mon courage à deux mains et mettre mon amie en garde ? Risquer de faire capoter un mariage ou risquer de perdre une amie ?
J’étais là à peser le pour et le contre. Était-elle de celles qui opposent un déni à toute épreuve et t’en voudront jusqu’à ta mort d’en avoir parlé, ou bien de celles qui comptent sur toi sur tout et t’en voudront jusqu’à ta mort de ne pas l’avoir signalé ? Car je ne sais pas s’il y a quelque chose au milieu, je ne sais pas si une femme bafouée a encore la force de rechercher un juste milieu dans ses réactions.
Après des nuits blanches à me demander ce que je devais faire, j’ai décidé que je ne pourrai plus la regarder dans les yeux si je ne lui dis pas, et pire je ne pourrai pas me regarder dans le miroir, je ne supporterai pas de revoir son mari et qu’il me montre par quelque signe que ce soit qu’il me remercie et m’est reconnaissant.
Je lui ai donné rendez-vous sur une terrasse. Elle a tout de suite vu que quelque chose n’allait pas. A ce moment-là, mes tempes battaient à me faire mal, mes mains tremblaient sans pouvoir s’arrêter. Et je le lui ai dit, je ne saurai me rappeler de quelle façon, je ne saurai dire si mes mots étaient brutaux ou si je distillais le venin petit à petit. Je me rappelle juste que son visage est devenu cireux, ses lèvres s’asséchaient à vue d’œil, elle était immobile, ses yeux lançaient des éclairs que je ne lui connaissais pas avant. J’étais morte de peur, la suppliant de me pardonner de ne pouvoir l’épargner. Quelques secondes sont passées après que j’eus fini, quelques secondes en enfer !
Elle prenait son sac, je priais en silence qu’elle ne s’en aille pas et me laisse là. Non, elle fouillait dedans sans que je ne sache ce qu’elle cherchait. Je tendis un mouchoir, et comme si elle n’attendait que çà, des torrents de larmes jaillirent de ses yeux, des flots ininterrompus qui ne pouvaient s’arrêter. Puis, elle s’est jeté dans mes bras et m’a demandé « qu’est-ce que je vais faire ? ». Puis, m'a fait juré que si jamais çà se reproduit, que je lui dise tout de suite sans jamais rien lui cacher.
C’était une des périodes douloureuses qui peuvent émailler une vie d’amitié. Quant à moi, j’étais soulagée de voir que j’ai pris la bonne décision.
Avez-vous déjà été confrontées à ce genre de problème ? Avez-vous avoué ou l’avez-vous gardé pour vous ?